Stade War
Italie, 16 juin 1990, 20 heures, sous une chaleur étouffante, l'Angleterre de Gary Lineker affronte les Pays Bas de Marco Van Basten devant près de 33 000 spectateurs. Ce match au sommet de la phase de groupe du Mundial Italien est aussi le match des hooligans des deux pays. Ils se sont déjà affrontés durant l'après-midi dans les rues de la ville, une lutte ou seule la bêtise a triomphé. J'ai 11 ans et ce soir-là, je suis devant ma télé à Marseille, c'est ma première coupe du monde télédiffusée. Ce match, je l'attendais depuis longtemps, certains des meilleurs joueurs de la planète s'opposent sur la pelouse. Tous les ingrédients d'un beau match sont réunis : l'ambiance est ultra bouillante voire explosive, une multitude de drapeaux colorent les travées, la pelouse est un billard, les tribunes sont pleines à ras bord et mes yeux d'enfant déjà fan de foot sont émerveillés par les vues aériennes de ce stade posé au bord de la mer. Au final, l'opposition accouchera d'un 0 à 0 indigeste, mais ce n'est pas grave, car ces images resteront gravées à jamais dans ma mémoire comme étant celles qui symbolisent le football. 35 ans plus tard, je suis de passage dans cette ville italienne et par le biais de recherches satellites, je remarque que le stade est totalement délabré. Je vais donc le visiter un matin. En faisant le tour, je trouve une porte qui n'est fermée que par un bout de fil de fer que je fais sauter aisément. On rentre dans l'enceinte comme les supporters rentraient les soirs de match. Des palmiers ont poussé un peu partout sur le terrain et ont pris la place des tifosis. Le stade sonne creux, pas un bruit ne se dégage des tribunes en ovale, là où près de 30 000 spectateurs s'amassaient pour chaque match de l'équipe locale. La piste d'athlétisme est complétement défoncée autour d'un rectangle de broussaille qui fut autrefois un gazon d'un vert éclatant, seules les cages émergent de cette végétation sèche et folle. En passant par la tribune de presse, je comprends les raisons du triste sort de ce stade, la vétusté de ses infrastructures a eu raison de lui. Construit en 1970 suite au sacre national du club, le stade comportait 60 000 places et des défauts de fabrication à sa livraison. Des travaux successifs se sont opérés pour mettre le stade aux normes, mais ils n'ont fait que repousser l'échéance. Le stade est définitivement abandonné en 2012 lors d'un match contre l'Atlanta Bergame dont on retrouve encore des billets. Dans l'attente d'une hypothétique rénovation, le stade est pourtant sur la liste des sites qui sont censés accueillir l'euro 2028. Pour l'instant, seul le chant des grillons vient animer l'arène sportive désespérément vide.